Lorsque vous écoutez la musique de DopBoyLDN ou que vous lisez ses interviews, Artiste Queer Engagé est la définition adéquate pour définir le rappeur anglais. Son combat pour la communauté gay occupe beaucoup de place dans ses chansons et son discours. Au-delà de son activisme, DopboyLDN est un artiste bouillonnant de créativité qui va sans aucun doute faire parler de lui dans les mois qui viennent avec la sortie de son premier album. Nous avons voulu en savoir un peu plus sur ce mec qui ne vous laissera pas indifférent.
Photo couverture par Martin Fox (c)
1- Comment as-tu commencé la musique?
J’ai toujours eu un micro dans ma main et j’ai toujours été exubérant et show off, depuis tout petit. Je me souviens que lorsqu’on me demandait ce que je voulais faire dans la vie, je disais déjà que je voulais devenir chanteur. Ma mère me disait toujours de me concentrer sur quelque chose de plus concret qui me permettrait de payer mes factures dans le futur proche. Elle était inquiète parce qu’à l’école je ne m’intéressais qu’aux sujets créatifs comme la photographie, la dramaturgie et la danse.
Je me souviens très bien du moment précis où je me suis lancé sérieusement. C’était lors de ma troisième année d’université, j’étais avec un très bon ami qui était performer. On traînait, on fumait et je me souviens avoir tout d’un coup commencé à écrire sur mes expériences. Je suppose avoir à ce moment-là utilisé l’écriture comme un genre de catharsis. J’utilisais la musique pour déballer ce que je ressentais, ce qui se passait dans ma tête. La musique est ma thérapie.
2- Tu te souviens de ton premier morceau ?
La première chanson que j’ai écrite s’appelait Find Yourself. C’était frais et je ne savais pas vraiment ce que je faisais mais j’avais trouvé un beat hip-hop sur YouTube et j’ai commencé à expérimenter. Je me souviens que c’était un instru qui s’appelait Unbelievable par Rocket Science et je trouvais que ça résonnait en moi alors j’ai commencé à écrire sur ma vie et mes expériences.
3- Quels étaient-elles à ce moment-là?
Grandir homo dans un monde défini par l’hétéronormalité est très difficile. Toute l’anxiété que nous vivons en tant qu’adolescent est très amplifiée pour les jeunes homosexuels. C’est ce qui me tenait et qui me tient toujours à cœur. Je pense que si l’environnement scolaire dans le quel grandissent les jeunes était réformé, on verrait mois de dépression, d’abus de substances illicites et de suicide chez les jeunes et plus particulièrement chez ceux de la communauté homosexuelle. Nous avons besoin de plus reconnaissance et de leader LGBTQI+ dans nos écoles. Nous avons fait énormément pour le monde mais ils ont toujours tu notre identité. Personne n’a jamais dit par exemple qu’Alan Turing était gay (NDLR : Auteur des travaux qui ont fondé scientifiquement l’informatique. Lors de la seconde guerre mondiale, il jouera un rôle essentiel puisqu’il sera celui qui va décrypter la machine Enigma utilisée par les Nazis pour communiquer).
4- Qu’est-ce que tu as appris à ce moment-là et qui te sert encore aujourd’hui ?
De continuer à écrire. Que tu sois au top ou pas, que tu te sentes bien ou pas. Que les phrases soient cohérentes ou pas, continue juste à écrire. J’ai un cahier de note plein de mots, des pages et des pages de mots. Ça fait du bien de regarder en arrière, de se souvenir de ce que je ressentais à ce moment précis.
5- Quel est l’album qui t’a le plus marqué?
C’est plutôt un artiste récent et il s’agit plus d’un EP qui tourne en boucle chez moi. Il s’agit de PROJECT 11 de Joria Smith. Je l’ai toujours eu dans mes playlists mais ce projet est particulier dans le sens où j’ai cliqué dessus pour la première fois et je me suis reconnu sur chaque morceau. C’est profond et impactant. C’est comme si j’avais une voix dans ma tête qui m’expliquait toutes les bonnes choses qu’il faut faire musicalement. Une leçon! ça m’a donné un peu plus de clarté. Son timing est parfait.
6- L’artiste qui t’impressionne le plus?
Lauryn Hill, sans hésiter. Sa musique a été et a traversé sans effort toute ma vie. Elle a toujours été là, une constante. Quand tu écoutes son album, tu peux sentir les émotions dont il est question à travers chaque chanson. Ça reste fort même aujourd’hui, ce n’était pas un son momentané, tout le monde a du temps pour Lauryn Hill. Elle fait tout, elle écrit, elle rap, elle chante, elle est comédienne…ce sont mes objectifs.
7- Quel est le thème qui te touche le plus et sur lequel tu n’arrêteras jamais de chanter ?
Pour moi le rap est une question d’expression de soi, c’est vivant, c’est l’expérience. Alors, je rap sur e que je sais. J’espère que ça se traduit dans mon travail. C’est comme une prise Snapchat de la culture gay pour ceux qui en sont étrangers. C’est le quotidien de quelqu’un qui navigue entre l’amour, la vie dans cette métropole qui est LDN (Londres). J’espère que je pourrai dans le futur être une voix pour les minorités dont je parle.
Je m’incline et respecte toujours les gens qui sont marginalisés. Dédicace aux MC femmes, à mes rappeurs Trans et toutes les femmes noires qui se lèvent et disent : ça c’est ma voix et va te faire foutre. Tu as intérêt à écouter !!!
8- Qu’aimerais-tu qu’on retienne après avoir écouté ta musique ?
Ça me ferait plaisir de savoir que ma musique fait sourire, que ça fait bouger la tête. Ouais. J’espère que les gens me regardent, voient ce que je fais et essaient de défier les stéréotypes. Toutes ces constructions sociales doivent s’écrouler et je pense que ça se fera avec l’accumulation des gens d’esprit.
9- Expliques-nous comment tu travailles ?
Je travaille de façon très étroite avec ceux qui participent à la production de mes chansons. J’aime voir ce qui se passe et être impliqué dans le processus de création. En gros, je travaille avec un tas de producteurs londoniens qui viennent d’une pléthore de genre musicaux. Par exemple pour mon EP intitulé POISON qui va sortir cette année, chaque chanson est composée par un producteur différent. J’aime collaborer et j’ai beaucoup de chance d’avoir trouvé des artistes aussi talentueux mais également de bonnes personnes.
J’ai toujours un brouillon de mon texte quand je vais au studio. Je balance ce que j’ai dans ventre et le reste vient naturellement. Quand j’ai faits S.O.F.B.N, le morceau n’était pas top, je l’ai envoyé à Sebastian Bartz qui a fait ce gros beat et je me suis finalement mis à ajouter un couplet. J’ai également ajouté d’autres choses. Parfois dans le processus de création, les moments de beauté naissent avec les erreurs.
10- Parles-nous donc de ce projet que tu vas sortir cette année ?
Je travaille en ce moment sur un album. Le son est complétement différent de ce que j’ai faits dans mon EP précédent. J’aime explorer de nouveaux horizons. Il y’aura plus de chant, c’est un peu fou, plus personnel et vrai.
