Il y a des morceaux qui ne cherchent pas à plaire, mais à intriguer. « Poor Little Rich Girl (Shirley) », le dernier titre d’Alexander Boe & The Botanicals, s’inscrit dans cette veine rare. Hymne surréaliste venu du bouillonnement art rock de Tel Aviv, ce morceau ne se contente pas d’être une chanson de rupture : c’est un sortilège sonore, une énigme à déchiffrer.
Dès les premières mesures, une guitare staccato — inspirée par Mdou Moctar et Ali Farka Touré — installe une pulsation obsédante. Enrobée d’harmonies vocodées et d’une cadence en 6/8 hypnotique, la production lo-fi évoque un croisement étrange entre Fleet Foxes et Thom Yorke, quelque part entre le sable du Sahel et les brumes numériques. C’est un folk sous acide, élégant et déphasé.
Et puis il y a Shirley. Shirley Temple, mais pas celle des films — plutôt son fantôme, son reflet dans une flaque de mémoire. Alexander Boe ne chante pas vraiment une personne, mais l’idée d’une illusion. L’innocence comme masque, le glamour comme fuite. Les mots glissent, presque insaisissables, entre souvenirs, détachement affectif et abstraction poétique.
« Poor Little Rich Girl (Shirley) » n’est pas là pour rassurer, mais pour faire vaciller. Il confirme qu’Alexander Boe est de ceux qui tordent les codes pour mieux révéler ce qui palpite dessous. Une expérience, plus qu’une chanson.