Dix ans de silence, puis une pulsation. Un battement de batterie à nu, une ligne de basse qui tourne en boucle, et The Young Liars renaissent avec Rêverie, titre lentement mûri dans l’ombre. Le groupe indonésien, qui avait marqué les esprits avec Rue Massena en 2015 et une apparition au Midem de Cannes, signe ici un retour tout en clair-obscur, nourri par une décennie d’attente, de doute et de construction intérieure.
L’écoute de Rêverie est d’abord physique : on y entre par les nerfs, guidé par un groove minimaliste mais entêtant. Puis surgissent ces guitares, nettes, presque cinématographiques, qui tracent des silhouettes sur un fond brumeux. La voix, elle, vacille. Elle n’a rien d’apaisé, elle cherche, trébuche, tente de saisir une image qui se dérobe. On sent la mémoire vaciller, comme si chaque note effleurait un souvenir que le temps refuse de figer.
Composée dès 2017 autour d’un motif de batterie, la chanson a grandi à contretemps. Basslines, guitares, voix : chaque élément s’est ajouté avec précaution, au rythme des années. Finalisée en 2022, elle est restée en veille jusqu’à aujourd’hui, suspendue entre le désir d’avancer et l’incertitude du bon moment. Il aura donc fallu huit ans pour que cette rêverie devienne tangible — et elle en porte les traces.
Avec ce morceau, The Young Liars prennent un virage plus atmosphérique, sans renier leur tension post-punk originelle. Rêverie ne cherche pas l’éclat immédiat. Elle s’installe doucement, laisse des traces, comme un rêve dont on ne parvient pas à se défaire au réveil. Un retour habité, lent mais viscéral, où chaque silence semble avoir compté.

