C’est un projet qui ne se raconte pas, il se traverse. Avec Become Other, Ben Bostick signe une mue artistique saisissante. Loin des contours folk et country qui ont marqué ses débuts, l’auteur-compositeur d’Atlanta propose un album-concept orchestral, dense et narratif, où chaque titre s’imbrique dans une fresque introspective quasi cinématographique.
Dès The Tangle, l’auditeur est aspiré dans une ouverture aux allures de labyrinthe sonore : cordes désaccordées, touches industrielles et réminiscences jazz s’entrechoquent dans un décor digne de Kubrick. Bostick ne fait pas que composer : il sculpte. L’ambiance se fait plus grave avec Heavy Heart, pièce vibrante autour du fardeau existentiel, que résume la ligne “born with a heavy heart”.
Le voyage devient mental avec Flying High, prière psychédélique au goût d’illusion douce, prolongée par GNTL HZ, instrumental éthéré qui flotte comme une pensée fugace. Puis vient le vertige : Eyes in the Vines plonge dans une étrangeté sombre, presque burtonienne.
Au cœur de cette odyssée, Become Other s’impose comme le pivot, le moment de bascule où le protagoniste – ou peut-être Bostick lui-même – embrasse sa transformation. Plus qu’un simple morceau, une renaissance musicale.
Le final, lui, se joue en apothéose. World Without Measure convoque l’étoffe de Wagner et Mozart, By Darkness Forged fait trembler, avant que Transfigured Night n’achève l’album comme une caresse stellaire.
En résistant aux codes et aux algorithmes, Ben Bostick signe ici un manifeste d’indépendance créative. Un disque hors du temps, profond, organique.