Il y a des albums qui cherchent à plaire. Et puis il y a ceux qui s’imposent, parce qu’ils n’ont rien à prouver. Avec Bruno’s Bad Decisions, Brvno signe un premier projet hip-hop complet, façonné dans les rues de Montréal, nourri par les sons de la scène underground suisse et teinté de ses racines latino-américaines. Le résultat est à la fois brut, aérien, et d’une honnêteté désarmante.
Ce projet de 12 titres ne se contente pas de cocher les cases d’un genre. Il respire la ville, le doute, l’engagement. Brvno n’est pas seulement rappeur. Il est aussi journaliste politique et travailleur social – deux réalités qui infusent chaque couplet, chaque silence. On ne l’écoute pas seulement pour le style ; on le suit dans ses contradictions.
Dès Bad Decisions, l’ambiance est posée : beat impactant, flow nonchalant, et cette impression de marche intérieure dans une ville qui ne dort jamais. Puis viennent des moments suspendus, comme Promenade Mont-Royal, tableau jazzy d’un Montréal contemplatif. À l’inverse, Get Me Out! explose dans une urgence presque claustrophobe, tandis que Titanic pèse lourd, tragique, presque cinématographique.
Mais Brvno ne se limite pas à l’introspection. Il revendique. Sur Be Political, son flow devient tranchant, minimaliste, frontal. Aucun détour. Il appelle à la construction collective, sans posture, avec ce ton d’authenticité qui manque tant au rap conscient d’aujourd’hui. À l’autre bout du spectre, des morceaux comme I Fall in Love With Strangers ou Complicated Romance laissent percer une sensibilité douce, presque fragile.
Il y a dans Bruno’s Bad Decisions une volonté de rupture. Pas pour choquer. Pour exister tel quel. Avec des choix de production audacieux – entre boom bap et jazz –, et des collaborations bien senties (notamment Liyah sur le soyeux Silver Spoon), Brvno pose une pierre angulaire dans un paysage saturé de superficialité.
Ici, pas de message préfabriqué. Juste une voix. Celle d’un artiste qui veut construire, questionner, et parfois simplement raconter. Un album à écouter sans distraction, parce qu’il ne vous laissera pas en faire abstraction.
