Cincinnati. Une tempête de neige bat les vitres d’un studio modeste. À l’intérieur, Ginger Winn enregistre Freeze Frame, un album qui semble s’écrire au rythme du deuil et du silence. Le 13 juin 2025, cette artiste encore trop discrète livre un second opus d’une rare intensité. Quatorze morceaux, pas un de plus, pour capter l’instant, le geler, comme un cri figé dans la glace.
La perte de son père plane sur chaque mesure, mais jamais Freeze Frame ne cède au pathos. Dès l’ouverture avec « Escape », le décor est posé : guitares nues, voix fragile, tension sourde. On avance à pas feutrés dans un monde où la peine n’est pas un fardeau mais une matière première. Plus loin, « Pants on Fire » esquisse une ironie presque espiègle, tandis que « Cold Plunge » frappe fort, avec cette pudeur désarmante qui fait toute la force de Winn.
Il y a, dans ce projet, une manière de parler du chagrin sans jamais hausser le ton. La production, signée A.J. Yorio, épouse les silences et les respirations. Harpe, violon, trompette apparaissent par touches, comme des éclats dans la neige. On les entend sur « Scenes From a Wake », peut-être le morceau le plus cinématographique du lot, ou sur « Glass Rib Cage », d’une délicatesse presque douloureuse.
Mais Freeze Frame n’est pas un journal intime figé dans le marbre. C’est un espace mouvant, où la philosophie flirte avec la pop, où Winn pense autant qu’elle ressent. « Socrates » et « Chaos & Perfection » en témoignent, entre vertiges existentiels et clarté poétique. Et quand « Main Character Syndrome » ose un virage alt-rock plus dense, on sent l’artiste en pleine reconquête de soi.
Chaque morceau semble tirer un fil entre passé et présent, entre perte et lumière. Le final, « Blizzard », referme le disque comme on tire une couverture sur un rêve inachevé. Pas de réponse, mais une présence.
Freeze Frame n’est pas seulement un bel album : c’est un moment de vie figé, intense et sincère, qui murmure là où d’autres crient. Ginger Winn, discrète mais lumineuse, signe ici une œuvre qui touche au vrai.
