Il existe des moments où nous avons simplement besoin de prendre une profonde inspiration et de crier de toutes nos forces : « Qu’est-ce qui se passe ?! » C’est exactement ce que ressentait Linda Perry, la chanteuse et leader de 4 Non Blondes, lorsqu’elle écrivit cette chanson cathartique. Dans une interview sur le podcast Backstory Song, elle expliquait : « C’est comme, ‘Pourquoi est-ce que ça semble toujours que soit je lutte, soit il y a ce foutu bordel politique qui se passe ? Pourquoi tout ça arrive-t-il dans le monde ?’ »
Bien que le refrain de « What’s Up » soit souvent confondu avec « What’s going on » de Marvin Gaye (une chanson R&B emblématique de 1971), la phrase « What’s up » n’apparaît pas du tout dans les paroles. Celles-ci se limitent à « what’s going on », un choix délibéré qui laisse une grande liberté d’interprétation et donne à la chanson une portée intemporelle. L’absence de référence politique dans les paroles, malgré une forte influence du climat politique de l’époque (avec George H. W. Bush à la présidence), permet à la chanson de toucher un public plus large, bien au-delà du contexte immédiat.
Comme l’a précisé Christa Hillhouse, la bassiste du groupe, lors d’une interview avec Songfacts, « Si vous regardez les paroles, elles ne veulent rien dire. C’est la façon dont la chanson fait ressentir certaines choses aux gens. » En Europe, où l’anglais n’est pas la langue maternelle, beaucoup de personnes connaissent chaque mot brisé d’anglais, et la chanson provoque une connexion émotionnelle forte. C’est une chanson simple, mais qui brise les barrières de la langue et touche l’humanité au cœur. « Il y a une honnêteté qui traverse tout ça et les gens peuvent s’y retrouver. »
Lors de cette période de la fin des années 80, le groupe vivait de manière plutôt brute. « C’était une époque étrange », se souvient Hillhouse. « On vivait vraiment de manière débridée, mais quand on est artiste et qu’on vit cette existence brute, on est beaucoup plus ouvert et exposé avec ses émotions. On n’était pas des poseurs. Nous étions honnêtes en tant qu’individus. La chanson était une expression de ce que Linda ressentait, et elle est devenue une expérience assez universelle. »
En 1989, 4 Non Blondes s’était formé à San Francisco, une époque où les maisons de disques cherchaient des artistes authentiques pouvant percer dans le monde de la pop. Le groupe a rapidement gagné en notoriété à San Francisco, attirant l’attention des labels. « Quand un d’entre eux s’intéresse à toi, tous les autres suivent », raconte Hillhouse. « Nous avons signé chez Interscope en juin 1991, mais on a un peu effrayé certains labels à cause de notre image un peu étrange. Nous étions toutes des femmes, et nous étions toutes gay – c’était avant même que k.d. lang soit sortie du placard. Cela perturbait les équipes marketing. » Néanmoins, « What’s Up » était vu comme un hit potentiel.
Le fameux « 25 ans » dans le premier couplet n’est d’ailleurs pas tout à fait exact. Linda Perry avait 24 ans lorsqu’elle écrivit la chanson. « 25 » sonnant mieux, elle décida de conserver ce chiffre.
La composition de la chanson s’est faite dans un temps record. Perry l’a écrite en environ 30 minutes, en improvisant les paroles. Hillhouse se souvient de ce moment : « Linda avait quitté son travail et vivait chez moi dans un petit appartement à San Francisco. Elle a écrit la chanson dans une pièce au bout du couloir. J’étais dans ma chambre en train de faire l’amour, puis j’ai arrêté en entendant la musique. Je me suis précipitée dans le couloir et je lui ai dit, ‘Mais qu’est-ce que tu joues ? J’aime ça.' »
La chanson a rapidement séduit le public lors de leurs concerts. Mais un élément particulier se distingue dans la composition : le « Hey hey hey hey… » du refrain, initialement prévu comme un espace pour insérer des paroles, mais qui est resté tel quel, car la chanson sonnait parfaitement ainsi.
« What’s Up » fut le deuxième single du premier album du groupe, Bigger, Better, Faster, More. Le premier single, « Dear Mr. President », n’eut pas le même succès, et le troisième single, « Spaceman », souffrit d’un manque de promotion. Après leur séparation, le groupe n’aura jamais l’occasion de sortir un autre album. Leurs membres continuèrent leurs carrières musicales, avec Linda Perry qui connut un grand succès en tant qu’auteure-compositrice pour des artistes comme Pink et Christina Aguilera.
Si « What’s Up » n’a pas été un énorme succès à sa sortie, atteignant seulement la 14e place du Billboard Hot 100, la chanson a eu une longévité impressionnante. Aujourd’hui, avec plus d’un milliard de vues sur YouTube, elle est devenue l’une des chansons emblématiques des années 90. La vidéo musicale, réalisée par Morgan Lawley, a également marqué les esprits, avec l’image de Linda Perry arborant des dreadlocks et un chapeau haut-de-forme, une icône de style à l’époque.
L’impact de « What’s Up » ne se limite pas à la musique. La chanson a été largement utilisée dans la culture populaire, apparaissant dans des séries télévisées comme Sense 8, Yellowjackets, et Pam and Tommy, et dans des films comme Madame Web et Teenage Mutant Ninja Turtles: Mutant Mayhem. En 2005, elle a même été détournée en mème internet, ce qui a permis de lui donner une nouvelle vie sur les plateformes numériques.
Ce succès tardif, mais impressionnant, témoigne de la force intemporelle de la chanson. Elle incarne parfaitement le mélange de simplicité brute et d’émotion pure qui touche les auditeurs à travers le monde, transcendant les frontières de la langue et du temps. Aujourd’hui, « What’s Up » reste un hymne de la révolte et de l’expression de soi, un cri universel face aux frustrations de la vie, mais aussi un appel à la solidarité humaine.