Avec Tidal Reflections, FICMARO ne signe pas simplement un premier album : il livre une expérience sensorielle, une dérive en eaux profondes où la musique devient langage. Producteur et conteur à la fois, il s’inscrit dans une lignée rare d’artistes capables d’évoquer sans dire, d’émouvoir sans chanter. Son univers, situé entre le dreampunk, l’électro-acoustique et la techhouse organique, s’écoute comme un film intérieur — une plongée dans des paysages mentaux où tout semble à la fois familier et lointain.
L’introduction, deux minutes suspendues entre rêve éveillé et dérive nocturne, agit comme une clé d’entrée dans son monde. Pas de voix, juste un souffle, une texture qui s’étire et nous absorbe doucement. Le décor est planté : celui d’un voyage cinématographique où chaque son trouve sa place, sans besoin d’explication.
Vient ensuite « Canto Delle Sirene [Sirens Song] », pièce éthérée où les voix samplées surgissent comme des mirages. Elles hantent le morceau, s’approchent puis disparaissent, à la manière de sirènes modernes. Le mariage entre sons organiques et nappes synthétiques s’y fait avec une grâce rare, presque instinctive.
« The Sunbathers » offre une respiration plus rythmée. Ici, la pulsation devient tangible, les textures électroniques s’éclaircissent. On y perçoit un retour à la surface, comme si la lumière filtrait à travers l’eau. Tout reste fluide : les transitions se fondent l’une dans l’autre, imperceptibles, portées par un beat discret mais présent.
Avec « Shampoo Starlet », FICMARO explore la mémoire sonore. Le morceau s’ouvre dans une brume délicate, un battement lent comme une respiration dans l’obscurité. On pense aux cinéastes contemplatifs, à Tarkovski peut-être, tant le son semble devenir image. « Dreamscape » prolonge ce voyage intérieur. Les nappes s’étirent, se superposent, se dissipent. Puis surgit un accordéon, inattendu, presque burtonien — un geste de créateur plus que de producteur. L’émotion y est pure, minimaliste, d’une retenue rare.
L’album bascule ensuite vers « Echoes of a Lost Empire », plus accessible, porté par une mélodie de synthé limpide, presque dansante. C’est le moment où FICMARO laisse entrevoir un autre visage, celui d’un artiste capable de mêler subtilité et groove. Et quand arrive « I Got You », le charme opère : batterie nerveuse, énergie diffuse, souffle funk à la manière d’un Prince éthéré. C’est le morceau le plus lumineux du disque, celui qui révèle tout le potentiel d’un artiste au bord de la reconnaissance. La fin, avec « キス・ツナミ [Tsunami Kisser] » et « Let it Off », revient à l’essentiel. Le son se fait lointain, presque spirituel. Les voix, échantillonnées en boucle, deviennent mantras. Tout s’achève comme un rêve dont on ne veut pas se réveiller.
Avec Tidal Reflections, FICMARO signe un album aussi fluide qu’une marée intérieure. Un premier geste maîtrisé, sincère et profondément humain — l’œuvre d’un architecte du son qui a compris que, parfois, le silence parle mieux que les mots.