Avec sa reprise de « Creep », l’emblématique morceau de Radiohead paru en 1992, Azure Blue — alias Tobias Isaksson — signe une ouverture délicate et éthérée pour son projet de reprises, l’EP Adolescent Counterpart. Ce choix n’est pas anodin : il s’agit d’un hommage à la musique de son adolescence, revisitée avec la sensibilité d’un homme mûri, oscillant entre nostalgie et réinvention.
Dès les premières notes, la version offre un contraste saisissant avec l’originale. Là où la guitare saturée de Radiohead portait la douleur et l’inconfort d’un jeune homme en marge, Azure Blue enveloppe « Creep » de nappes de synthés analogiques et d’une ambiance rêveuse — un écrin électronique, tendre et introspectif, qui sublime la souffrance originelle en une méditation mélancolique et posée.
Le texte, lui, demeure. Cette confession de rejet de soi, ce cri intime d’un être se sentant à part, conserve toute sa force — mais trouve dans cette mise en son une profondeur nouvelle : celle d’un regard adulte, portant le poids du temps, la douceur de la nostalgie, et la gravité d’un sentiment d’isolement retravaillé à hauteur d’homme.
« Quand on m’a demandé de jouer en live quelques classiques des années 90, la peur de toucher à ces héritages s’est muée en une urgente envie de les réinterpréter », confie Azure Blue. Cette démarche, sensible et respectueuse, transforme une reprise en acte réflexif — un pont fragile entre les douleurs de la jeunesse et la sérénité possible de l’âge adulte.
En proposant sa version de « Creep », Azure Blue ne cherche pas à effacer l’original : il le dialogue, le contemple, le réadapte. Il transforme un cri d’aliénation en une chanson de mémoire, d’émotion et d’espoir — un pari audacieux et réussi, qui résonne plus fort à mesure qu’on écoute.

