Il y a des morceaux qui ne se contentent pas de se laisser écouter. Ils enveloppent, obsèdent, s’imposent comme une expérience sensorielle et spirituelle. Circle of Doubt, dernière offrande de Rosetta West, appartient à cette catégorie rare. Sortie à Beltane, ce sabbat païen célébrant la lumière renaissante, la chanson semble pourtant surgir d’un gouffre intérieur. Un paradoxe maîtrisé.
Dès les premières mesures, un riff blues-rock, lourd et cyclique, installe la torpeur. On sent le poids du doute, l’usure d’une bataille livrée à huis clos. Joseph Demagore, tête pensante et voix hantée du groupe, module son chant comme un cri étouffé, tiraillé entre abandon et révolte. En arrière-plan, des envolées de guitare flirtent avec le psychédélisme, comme des éclats d’espérance dans une nuit trop longue.
Rosetta West, fidèle à son éthique farouchement indépendante, signe ici un morceau d’une sincérité brute. Depuis l’album Labyrinth, Jason X façonne le son du groupe avec une précision presque chamanique. Il y a dans cette production quelque chose d’archaïque et de visionnaire, comme si les instruments eux-mêmes portaient la mémoire de rituels oubliés.
En bonus, The God Who Made Me Cry pousse plus loin encore la méditation, frôlant le blasphème mystique. Rosetta West ne se contente pas de faire du rock. Le groupe construit, morceau après morceau, une cosmogonie. Et Circle of Doubt en est une pierre angulaire.