Le reggae a cette capacité rare de traverser les époques sans jamais perdre son souffle. Avec The Kingston Lions, ce n’est pas seulement une musique que l’on entend, mais toute une mémoire qui s’éveille. Ce collectif, formé de musiciens de studio parmi les plus respectés de Jamaïque, s’offre une renaissance éclatante en revisitant les pierres angulaires du répertoire des années 60 et 70.
Au cœur de leur premier album éponyme, disponible depuis la mi-août, brille une reprise habitée de « Armagideon Time ». Ce titre, signé Willie Williams en 1979 et immortalisé ensuite par The Clash en face B de London Calling, retrouve ici une profondeur nouvelle. La voix de Nick Hexum, du groupe 311, s’y déploie avec justesse, épousant le groove implacable d’une section rythmique qui respire l’histoire. On retrouve dans cette version une intensité presque méditative, comme si la chanson reprenait conscience de son rôle d’hymne intemporel.
Mais derrière l’élan festif de cet album se cache aussi une dimension plus intime. Plusieurs figures du groupe – Sticky Thompson, Mikey Chung et Karell Wisdom – ont disparu depuis l’enregistrement. Leur présence se fait pourtant sentir dans chaque note, transformant l’album en un hommage vibrant, presque testamentaire, à leur héritage musical.
En revisitant également des classiques comme « Young, Gifted and Black », « Israelites » ou encore « Rivers of Babylon », The Kingston Lions ne cherchent pas seulement à réinterpréter : ils redonnent souffle à une musique qui continue de fédérer, guérir et inspirer. Avec eux, le reggae n’appartient pas au passé. Il continue, encore et toujours, à battre au présent.

