Chasseur de son, Boss du label Africain Akwaaba Music, Benjamin Lebrave nous a accordé une interview

Benjamin Lebrave est un passionné de musique, un dj frustré de ne pas trouver dans les rayons des disquaires occidentaux des musiques rares qu’il affectionne. Il décide armer de son sac à dos et de son diplôme en économie et en statistique, de sillonner le monde à la recherche de perles rares et de sons oubliés. C’est en Afrique et plus précisément à Accra qu’il finira par poser ses valises séduit par le bouillonnement artistique de la patrie du Highlife source de la musique urbaine Africaine.  Il décide ensuite de fonder Akwaaba Music dont le but est de faire connaître les musiques populaires d’Afrique hors du continent noir.

L’homme qui porte plusieurs casquettes puisqu’il est en même temps producteur, éditeur et distributeur de musique nous parle de son aventure et de ses ambitions.

 

1- Qu’est-ce que Akwaaba Music ?

Benjamin Lebrave : Akwaaba Music est un label de musiques africaines, focalisé à l’origine sur les styles populaires, essentiellement urbains et électroniques. Reste à définir ce que c’est qu’un label! Dans notre cas, Akwaaba se charge de distribuer nos artistes dans le monde entier sur internet, de faire la promotion de ces artistes, la diffusion de leurs musiques auprès de nouveaux publics. Pour les artistes, nous proposons toutes sortes de services allant de l’édition aux tournées. De façon plus intuitive, Akwaaba fait le pont entre artistes et audiences, quels qu’ils soient, où qu’elles soient.

 

2- Que veut dire Akwaaba et pourquoi avoir choisi ce nom ?

Benjamin Lebrave : Akwaaba signifie bienvenue en twi, et dans la plupart des langues Akan du Ghana et de la Côte d’Ivoire. J’ai choisi ce nom pour deux raisons principales: pour son sens d’abord, puisque notre but est de faire découvrir de nouveaux artistes, et de leur faire découvrir de nouveaux publics. Mais j’ai également choisi Akwaaba pour sa sonorité: je suis Franco-Américain, coincé entre deux pays particulièrement réputés pour leurs accents super nuls. J’ai donc cherché un mot qui soit aisément prononçable dans toutes les langues.

3- Tu t’es installé à Accra il y a 4 ans pour promouvoir la musique « pop africaine ». Est-ce que tu constates une évolution sur son exposition notamment en Europe ?

Benjamin Lebrave : Je remarque d’abord une évolution en Afrique: les premières fois que je suis venu au Ghana il y a 7 ou 8 ans, l’utilisation d’internet était encore rare et sommaire, iTunes ou youtube étaient des concepts plus que des réalités. Aujourd’hui, tous les artistes sont présents sur les réseaux sociaux, la plupart ont leur musique sur les gros services, Deezer, iTunes et bien sûr youtube sont tous disponibles et monétisés localement.

Cette évolution rend la musique plus accessible, pas seulement sur place: ce n’est évidemment pas un hasard si les grosses émissions afrobeats de Londres ont connues un fort essor ces dernières années. Jusqu’en 2008 – 2009, c’était compliqué d’être vraiment à la page si on n’était pas sur place, mais maintenant les artistes ghanéens peuvent envoyer leurs nouveaux morceaux directement aux gros DJs de Londres et du monde entier.

C’est surtout en Angleterre que la pop africaine a explosé. Plusieurs radios généralistes playlistent régulièrement des hits du Nigéria ou du Ghana, et petit à petit, le phénomène se repend à d’autres pays.

Je pense que le plus gros reste devant nous, je n’ai aucun doute que d’ici quelles années des artistes africains seront des pop stars internationales, au même rang qu’un Drake ou un Sean Paul.

 

4- Quel serait la solution selon toi pour que cette musique soit accessible au plus grand nombre et partout ?

Benjamin Lebrave : Je pense que la plupart des choses sont en fait déjà en place: la distribution est là, les outils de productions également, donc la musique est déjà accessible. Ce qu’il reste à faire, c’est mieux la faire connaître. Pour ça, soit les majors occidentaux vont être suffisamment futés et rapides pour imposer leurs canaux en Afrique comme ils l’ont fait partout en Europe par exemple, ce qui donnerait aux artistes africains la même force de frappe qu’aux pop stars actuelles. Soit les majors se feront damer le pion par les entrepreneurs du continent, qui voient déjà leur musique s’imposer sans même essayer de l’imposer. Probablement un peu des deux.

5- Avant d’avoir l’idée de te lancer dans cette aventure. A quoi ressemblait ton quotidien?

Benjamin Lebrave : J’ai fait des études de statistiques et d’économie en France, avant de partir pour Los Angeles, où vit ma mère et sa famille. Je me suis dit que pour mettre de côté mon diplôme et me lancer dans la musique, c’était l’endroit parfait. J’ai donc fait des petits boulots liés de près ou de loin à la musique, et j’ai surtout débuté ma carrière de DJ. 3 ans plus tard j’ai trouvé un super boulot à San Francisco, je travaillais pour un agrégateur, c’est-à-dire un distributeur de musique en ligne. Je faisais notamment de la prospection, ma routine c’était de chercher des labels sur internet, évaluer leur présence, leur potentiel, prendre rendez-vous, me déplacer de temps en temps, notamment en France pour le MIDEM.

J’ai décidé d’incorporer à ma routine plus de voyages dans des sentiers moins battus, et de travailler avec des labels et artistes dont la présence était minime mais le potentiel énorme: c’est le début d’Akwaaba.

 

6- En quoi consiste ton travail au quotidien chez Akwabaa Music ?

Benjamin Lebrave : Mes journées sont un mélange de rendez-vous avec des artistes et leurs équipes, la planification de chaque projet – obtenir et ingérer les données, préparer la mise en ligne, organiser les campagnes de promotion, recueillir le feedback, et enfin préparer la compta pour chaque artiste. Concrètement, cela signifie beaucoup d’emails, beaucoup de whatsapp, de Skype, de réseaux sociaux, beaucoup de mises en ligne, et une bonne dose de documents Excel. Et bien sûr – c’est le plus fondamental – j’écoute tout le temps de nouveaux morceaux.

 

7- Quel est ton objectif final quand tu signes un artiste chez Akwabaa Music ?

Benjamin Lebrave : Je vois Akwaaba comme un catalyseur, nous sommes là pour permettre aux artistes d’aller plus loin, plus vite. Concrètement, cela peut se traduire par des objectifs très variés. Si je travaille avec un artiste très connu au Ghana, qui joue déjà en Europe et en Amérique du nord, et qui a déjà une équipe qui gère son marketing et ses tournées, alors je me focalise sur l’optimisation de la présence en ligne de l’artiste, je fais tout pour que l’artiste maximise ses revenus sur internet, mais également la collection de ses droits radio, concert, etc. Dans d’autres cas, je peux être beaucoup plus impliqué, dans la conception de l’album, sa commercialisation, toute la campagne de promo autours d’une sortie ou d’un artiste. Parfois Akwaaba est même tourneur. Cela dépend vraiment de ce dont l’artiste a besoin, mais l’objectif est toujours le même: pousser l’artiste à l’étape suivante dans sa carrière.

 

8- Vous êtes très bien implantés en Afrique dans les pays de l’ouest, qu’en est-il des artistes de l’Afrique centrale et du sud par exemple ?

Benjamin Lebrave : Il y a des courants musicaux intéressants pratiquement partout. J’aimerais énormément étendre nos activités à l’Afrique Centrale, qui est à mes yeux l’un des foyers culturels les plus importants de la planète. En ce qui concerne l’Afrique australe, on a eu la chance de collaborer avec Aero Manyelo, artiste house sud-africain, ainsi que Skeat du Botswana. Si je pouvais me dédoubler, j’enverrais mes clones au Congo, au Zimbabwe, en Tanzanie, au Cameroun, en Zambie, sans compter les pays où j’ai déjà été et où j’aimerais développer de nouveaux projets, l’Angola, le Gabon, l’Afrique du Sud, le Mozambique. Je vais m’arrêter là, avant d’énumérer les 54 pays du continent – il y a des bons sons partout!

 

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9- Comment définirais-tu le catalogue d’artistes d’Akwabaa Music ?

Benjamin Lebrave : Le catalogue Akwaaba est à l’image de l’Afrique d’aujourd’hui: une effervescence créative de plus en plus urbaine, électronique, et néanmoins très variée.

 

10- Quels sont les principaux critères pour signer chez vous ?

Benjamin Lebrave : Musicalement, je recherche des artistes qui apportent leur pierre à l’édifice, des artistes qui conservent une personnalité même lorsqu’ils adoptent des modes ou des styles populaires. En dehors de la musique elle-même, c’est très important de travailler avec des artistes qui comprennent la valeur de leur travail, et la valeur du travail d’Akwaaba. Sinon, c’est la porte ouverte aux malentendus et aux déceptions. Réussir aujourd’hui dans la musique, cela nécessite non seulement du talent, mais aussi et surtout beaucoup de persévérance.

 

11- J’ai rencontré un groupe écossais qui s’appelle Young Fathers qui me disait que la musique de demain se trouvait en Afrique. Qu’est-ce que tu en pense ?

Benjamin Lebrave : Je répondrais que la musique d’hier se trouvait déjà en Afrique 😉

 

12- Quels sont les objectifs à moyen terme d’Akwaaba Music ?

Benjamin Lebrave : Lancer des artistes pop à dimension internationale. Pour ça, il faut qu’on développe notre capacité de production, et notre capacité d’investissement dans les projets. En dehors de l’aspect purement label, je voudrais imposer Akwaaba comme relai au Ghana et en Afrique pour la production de contenus au sens large, non seulement musique mais également vidéo, photo, journalisme écrit et radio.

 

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