Sous ses allures de poète et son élégance anachronique, E.G. Phillips déploie avec Tricks of the Light un univers feutré, à la fois littéraire et cinématographique. Ce nouvel EP, que l’on pourrait traduire par Illusions fugaces, s’apparente à un petit théâtre de l’éphémère, porté par une instrumentation de chambre d’une délicatesse rare. On y croise un piano rêveur, une contrebasse souple, un violoncelle mélancolique, quelques touches de flûte et de clarinette, comme soufflées par le vent. Tout ici évoque l’intime, l’entre-deux, les reflets que projettent les souvenirs et les sensations.
Le voyage commence avec From the Corner of My Eye, récit d’une apparition incertaine, mi-réelle, mi-onirique – un tigre entrevu au détour d’un sentier intérieur. Inspiré par William Blake, le morceau installe cette ambiance flottante, presque hypnotique, où l’on ne sait plus très bien ce que l’on voit. The Light You Reflect, tout aussi nuancé, s’attarde sur la vulnérabilité d’être perçu, compris, exposé. La musique s’emballe doucement, à l’image du cœur qui vacille sous le poids d’une reconnaissance soudaine, trop vive peut-être.
Avec The Albatross Song (Mellow Like), Phillips revisite l’un de ses anciens morceaux dans une version apaisée, inspirée du mythe du marin et de l’oiseau maudit. Cette relecture sobre résonne comme une confidence au coin du feu. Vient ensuite The Flesh of Birds, romance inversée aux accents absurdes, où Vonnegut et Doctor Who se rencontrent dans un univers parallèle – drôle, fragile, profondément humain.
En clôture, The Place Where Tomorrow Shines the Brightest et When It Gets Dark livrent deux méditations complémentaires : l’une sur l’illusion du futur radieux, l’autre sur nos liens numériques et la solitude qui s’y dissimule. Avec Tricks of the Light, E.G. Phillips livre un recueil sensible, suspendu entre la clarté et l’ombre, comme un reflet fugace que l’on n’attrape qu’au coin de l’œil.