La destruction des vinyles de Beatles après la déclaration « Nous sommes plus populaires que Jésus »

La phrase qui fit trembler les USA

Le 4 mars 1966, dans les colonnes du Evening Standard, John Lennon lâche une phrase qui changera à jamais la relation des Beatles avec leur public américain : « Le christianisme disparaîtra. Il s’effacera et rétrécira… Nous sommes plus populaires que Jésus maintenant. » Une déclaration provocatrice ? Surtout une réflexion philosophique, lâchée au détour d’un entretien avec la journaliste Maureen Cleave, sans intention de scandale.

Au Royaume-Uni, la remarque passe presque inaperçue. Mais aux États-Unis, dans un Sud encore imprégné de conservatisme religieux, ces mots deviennent de la poudre jetée sur un brasier. Mois après mois, le feu couve, avant d’exploser en un été de colère, de disques brûlés, de menaces de mort et d’un profond malaise qui mènera les Beatles à abandonner définitivement la scène. Récit d’un malentendu devenu affaire d’État culturelle.

Mars 1966 – Une remarque, un contexte, un silence

Lennon, à l’époque, n’a rien d’un agitateur religieux. Ce qu’il décrit, c’est l’effritement du christianisme institutionnel face à la montée d’une nouvelle idole : la culture pop. Sa phrase, lâchée dans un salon feutré, ne vise pas Dieu, mais les églises désertées. Dans l’Angleterre des swinging sixties, personne ne s’émeut.

Et pourtant, cette remarque allait se muer, des mois plus tard, en tempête médiatique de l’autre côté de l’Atlantique. Car si l’Angleterre commence à flirter avec le sécularisme, l’Amérique, elle, reste fidèle à son évangélisme – en particulier dans le Sud profond, où la radio a bien plus d’influence que les journaux européens.

Juillet 1966 – Quand les radios s’en mêlent

C’est le magazine pour adolescents Datebook qui ravive les braises, en publiant la citation hors contexte et en gros titre. Le choc est immédiat. Dans l’Alabama, deux animateurs de la station WAQY, Tommy Charles et Doug Layton, annoncent qu’ils retireront les chansons des Beatles de l’antenne. Pire encore : ils encouragent leurs auditeurs à brûler les disques et les souvenirs du groupe britannique.

Des autodafés sont organisés en pleine rue. Les vinyles, jadis collectionnés avec ferveur, finissent dans des barils en feu. Des enfants, guidés par leurs parents, jettent leurs magazines et leurs posters dans les flammes, parfois au pied de croix brandies par des membres du Ku Klux Klan. L’Amérique blanche, religieuse et conservatrice, semble subitement se réveiller contre ses idoles de Liverpool.

Août 1966 – L’Amérique en furie, les Beatles sur le fil

Alors que leur tournée américaine doit débuter, les Beatles sont confrontés à une vague d’hostilité sans précédent. À Memphis, on menace de faire exploser leur scène. À Chicago, des manifestants brandissent des pancartes : « Les Beatles sont les fils de Satan. » Lennon, troublé, est contraint de s’expliquer lors d’une conférence de presse tendue, le 11 août.

Il tente l’apaisement : « Je ne voulais pas dire que nous étions meilleurs ou plus grands que Jésus. J’ai simplement dit ce que je pensais sur la manière dont les choses allaient. Si vous voulez que je m’excuse, je m’excuse. »

Mais le mal est fait. Leur venue en Amérique devient une tournée de la peur, gardée par la police, menacée de sabotage à chaque escale. Un feu d’artifice lancé à Memphis, en pleine représentation, pousse les Beatles à envisager le pire.

Un divorce avec la scène… et une nouvelle ère en studio

Le dernier concert de cette tournée cauchemardesque a lieu à San Francisco, au Candlestick Park, le 29 août 1966. Les Beatles montent sur scène pour la dernière fois. Ils en ressortent traumatisés, épuisés, et fermement décidés : plus jamais de tournées. Plus jamais ce cirque.

Ce choix marque une bifurcation historique. Les Beatles, désormais reclus dans les studios d’Abbey Road, cessent d’être de simples « musiciens populaires » pour devenir des artisans du son, des alchimistes du pop art sonore. Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, The White Album, Revolver : autant d’œuvres qui n’auraient peut-être jamais vu le jour sans cette rupture brutale avec le public.

Une fracture révélatrice

Au-delà de la polémique, cette affaire révèle un gouffre culturel entre deux mondes. L’Angleterre post-religieuse d’un côté, où les jeunes se reconnaissent davantage dans les Beatles que dans les sermons dominicaux. L’Amérique conservatrice de l’autre, où l’idole pop ne peut prétendre supplanter le fils de Dieu.

La phrase de Lennon n’était pas tant un blasphème qu’un miroir. Un miroir tendu à une société en pleine mutation, où la religion cédait doucement sa place à la culture de masse. Ce miroir, l’Amérique l’a brisé avec violence.

Un épilogue ironique

Des années plus tard, en 2008, le Vatican publiera un article réhabilitant Lennon et les Beatles, qualifiant ses propos d’« enfantins » mais « sans intentions malveillantes ». Ironie de l’histoire : l’institution religieuse elle-même aura fini par pardonner.

Aujourd’hui, la phrase « plus populaires que Jésus » appartient à l’histoire culturelle autant qu’à la légende musicale. Elle symbolise l’entrée de la pop culture dans la sphère du sacré – et la panique que cela a pu provoquer. Elle incarne surtout le moment où les Beatles ont cessé d’être des boys next door pour devenir des artistes à part entière, inaccessibles, immortels.

Le feu qui purifie

La destruction des vinyles des Beatles en 1966 fut moins une condamnation qu’un rite de passage. En brûlant leurs disques, certains fans tournaient la page d’une innocence perdue. Mais Lennon, en énonçant ce qu’il pensait être une évidence, a aussi révélé la puissance symbolique de la musique, capable de faire trembler les autels.

Les Beatles ne seraient plus jamais les mêmes. Ni leur public. Ni la musique populaire. Car au-delà de l’outrage religieux, cette affaire pose une question toujours d’actualité : jusqu’où une star peut-elle penser à voix haute sans déclencher l’orage ?

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