Young Fathers – « Tu dois faire la différence entre la musique que tu écoutes et celle que tu fais »

Depuis plus de deux ans et la sortie de l’Album DEAD, Young Fathers est l’un des groupes dont on parle le plus chez IGGY Magazine. Les causes sont nombreuses mais la créativité de ce trio écossais est l’une des qualités qu’on apprécie le plus. Ce groupe on vous le rappelle a remporté le prix de meilleur album écossais en 2013 avec Tape One/ Tape Two et meilleur album britannique en 2014 avec DEAD.

Young Fathers nous a accordé une longue interview. Ils reviennent sur leur parcours, leur façon d’envisager la musique et pleins d’autres choses encore.

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1- D’où vous vient votre folie créative ?

G Hastings : Je ne sais pas si c’est de la folie mais je dirais une forme de créativité. On n’a pas peur de ne pas être cool ou de ne pas être à la mode.  Quand on était plus jeunes, on ne voulait déjà pas qu’on dise de nous qu’on était des rappeurs, des chanteurs de pop ou je ne sais quoi parce qu’on aime beaucoup de chose et on s’inspire de tout ça. Ce que les gens appellent « folie créative » est juste quelque chose de différent, d’inqualifiable et qui n’entre pas dans les normes.

 

2- Comment travaillez-vous et qui décide de la direction artistique des morceaux ?

G Hastings : En général je fais les beats ,  Alloysious et Kayus font les textes mais quand on regarde bien, on n’a pas vraiment une méthode prédéfinie.

Alloysious : C’est vrai que les chansons que nous faisons peuvent partir de n’importe quoi. Une mélodie qu’on va avoir dans la tête et qu’on va chanter à l’autre, un beat de G Hastings. Le but pour nous dans ce processus est de se rendre compte que ce que nous faisons n’a jamais été fait.  Lorsque ça nous arrive sur un titre de  nous dire «oh !  J’ai déjà entendu ceci ou cela », on arrête net et on change le tout pour que ça résonne à notre façon.

 

3- Si une jeune fille ou un jeune homme vous dit qu’il souhaiterait faire la musique comme vous. Quels conseils lui donneriez-vous ?

Alloysious : Ce serait de ne pas faire de la musique comme nous. Je pense qu’il faut s’inspirer des artistes, comprendre comment ils ont fait mais ne pas faire comme eux. Quand tu choisis de faire comme quelqu’un d’autre, tu acceptes d’être le deuxième parce que tu ne seras jamais l’original, tu es arrivé sur ce terrain après lui. Tu dois faire la différence entre la musique que tu écoutes et celle que tu fais.

4- Ce n’est pas facile de se distinguer musicalement et de créer un style. Comment vous faites ?

Kayus : On essaie de ne pas avoir de règle. On ne se dit pas qu’on va faire comme ceci ou comme cela. Des fois dans notre musique tu peux entendre des imperfections, des distorsions, des trucs que la plus part des artistes enlèveraient. Aujourd’hui je pense qu’on a une certaine maturité artistique qui nous permet d’avoir confiance et de ne pas succomber aux dictâtes.

C’est vrai que ce n’est pas simple parce que beaucoup de gens ne vont pas comprendre au début. Ça prend du temps de devenir mature mais c’est important pour nous d’avoir cette démarche créative. Si on peut donner un conseil, c’est d’être original et différent. Il ne faut pas mettre de barrière à la création.

 

5- Vous vous souvenez du premier morceau que vous avez fait ensemble ?

Alloysious : Oui je me souviens du premier titre qu’on a fait ensemble il y’a 14 ans environ. On l’a fait avec un karaoké maison. Je me souviens même des paroles (rire).  C’était un truc du genre : « Tell Me Why, All i think about is you… ». On était ado, c’est drôle à chaque fois que je pense à ce morceau ça me rappelle de bons moments. Contrairement aux autres, je connais encore les paroles, je pourrais te la chanter. Je me souviens que je rappais aussi sur morceau.

G.Hastings : On enregistrait dans mon salon sur un vieux karaoké avec lequel tu ne pouvais faire qu’une prise à la fois. On accrochait le micro à une porte, je faisais mon couplet, on enchainait le refrain tous les trois et on filait le micro au suivant et ainsi de suite. On enregistrait nos morceaux comme ça d’une prise. C’était une formidable expérience.

 

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6- Qu’est-ce que vous avez gardé de cette époque dans votre façon de travailler, que vous utilisez encore aujourd’hui ?

G Hastings : On a surtout gardé la façon d’enregistrer. Cette façon de faire les choses nous a apprise qu’on était le genre d’artistes qui aiment la chaleur et les sensations de la première prise.

Kayus : Encore aujourd’hui, on aime enregistrer nos titres en une prise car je pense que c’est la bonne façon pour nous en tout cas d’avoir quelque chose de naturel, d’instantanée.  On travaille nos chansons en avance mais le but en studio c’est de boucler la séance rapidement pour donner l’émotion la plus brute et la plus  intense.

Alloysious : Elle a aussi eue une influence sur nos textes.  On essaie d’aller à l’essentiel parce qu’on pense qu’on peut dire et toucher les gens avec peu de parole. On pense même que c’est la meilleure façon de toucher les cœurs. Par exemple quand tu écoutes la chanson de James Brown, Please, Please, Please tu as de l’intensité dans les mots. Je ne sais pas combien de fois il dit « Please » mais à chaque fois il essaie de communiquer un sentiment.

 

7- Vous avez des fans un peu partout dans le monde, tous ne parlent pas anglais. Comment faites-vous pour parler à tous ces gens dans vos chansons?

G Hastings : C’est un cliché mais la musique est universelle. Elle parle à tout le monde quel que soit son origine, sa langue, ses goûts. Chaque artiste à qui tu poseras la question te dira un truc différent mais je crois au pouvoir des mots lorsqu’on veut faire une musique qui a du fond. Pour nous les mots ont plus qu’un sens littéral. Ils sont aussi vecteurs d’émotion et ça, c’est l’artiste qui la transmet…ou pas.

Allysious : Quand tu crées une œuvre musicale, tu fais de l’art.  Tu peux avec un cri faire passer plus d’émotion qu’avec une dizaine de phrases. Notre but en tant qu’artiste est aussi de trouver comment le faire.

 

8- Est-ce que tu penses que Black Men Are White Men Too  ?

Kayus : Bien sûre. Avec cette expression on a voulu parler des clichés que font les médias, notre société en général sur les différentes ethnies.  On dit que les noirs sont des voyous, pauvres et que les blancs sont instruits, riches et privilégiés. Les choses sont beaucoup plus compliquées que ça. Il y’a plus de nuances de gris qu’on ne le dit. C’est pourquoi nous prônons toujours l’ouverture aux autres car c’est cela qui permet de découvrir les réalités des autres et de faire tomber tous les préjugés. Notre musique est exactement à cette image, il y’a de tout.

Allysious : On n’est allé en Afrique du sud par exemple et après plusieurs discussion et interviews on avait l’impression d’avoir loupé le coche par ce que les gens n’arrêtaient pas de nous demander « pour quoi venir en Afrique du sud avec un titre d’album comme celui-là ». On s’est rendu compte au final que certaines expressions pouvaient les choquer par ce que l’histoire de l’apartheid est encore fraîche. Ce qui nous a fait plaisir, c’est d’avoir eu le temps de discuter, d’échanger, de comprendre et de faire comprendre à certains le sens du titre.

 

9- Que pensez-vous de la scène musicale sud-africaine ?

G Hastings : C’est incroyable ce qu’on a vu là-bas. On a eu l’occasion de faire des séances studios avec des artistes locaux, on a fait pleins de concerts, on était vraiment en immersion dans la scène musicale sud-africaine et on a été choqué par la créativité, le mélange des styles etc…

Allysious : On est rentré chez nous  avec le sentiment qu’ils avaient une longueur d’avance sur tout le monde. Pour nous, ils font la musique de demain, celle qui n’a pas de frontière. Ils ont une diversité musicale qui est une grande source d’inspiration et on pense y repartir très prochainement pour continuer à bosser avec les artistes que nous avons rencontrés.

 

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