De nos jours, l’une des critiques les plus répandues sur certaines œuvres d’art consiste à dire que celles-ci sont trop sentimentales. Cette notion qui autrefois a fait des courants artistiques entiers est désormais vue comme une chose involontairement drôle et légèrement embarrassante. L’Art au passé, voilà comment certains magazines peuvent qualifier La Sentimentalité – différent du sentimentalisme.
Mais d’abord, qu’est-ce que la sentimentalité et qu’y’a-t-il de mal à être sentimental dans son art ?
La chose fondamentale qui se passe dans l’art sentimental est que les aspects négatifs de la vie sont réprimés ; et tout est présenté de façon positive, gentille ou charmante. La jeunesse par exemple est présentée comme une période d’innocence simple ; La vie rurale est imaginée comme pure et toujours heureuse ; Avoir peu d’argent est suggéré comme étant une volonté de mener une existence simple et vraie. Les communautés sont présentées unies, pacifiques où la gentillesse est normale et tout le monde est doux.
En quoi est-ce problématique ?
Problème numéro un : La désillusion
Oscar Wilde définit la sentimentalité comme étant le désir de se nourrir d’une émotion « sans la payer ».
[su_quote cite= »Oscar Wilde »]Nous pensons que nous pouvons avoir nos émotions pour rien. Nous ne le pouvons pas. Même les émotions les plus fines et les plus abominables valent quelque chose[/su_quote]
Pour Oscar Wild, la sentimentalité est un désir égoïste voire hypocrite. Ce qu’il appelle gratuité d’une émotion est tout simplement le don inconditionnel de la personne sentimentale. Le fait de l’accepter peut donc être égoïste et hypocrite lorsque l’on sait qu’il ne sera pas rendu d’une matière ou d’une autre, d’où la désillusion.
La sentimentalité ne veut pas s’engager avec notre part d’ombre, nos tendances profondes à l’agression, à la négativité, au dépit, à la déception. Cette partie est soigneusement omise pour nous épargner l’inconfort, Mais – ironiquement – elle est également la cause de conséquences douloureuses.
L’art sentimental nourrit l’illusion très tentante que les choses pourraient être parfaites, les relations simples et charmantes, la vie non violente. Sans le vouloir, la sentimentalité augmente le risque de déception face à la réalité – égoïsme ou l’hypocrisie – ce qui résonne avec la citation ci-dessus d’Oscar Wilde.
Deuxième problème : Le cynisme
« A chaque résultat naît son contraire » – une citation attribuée à François Mitterrand qui parle d’elle-même. La sentimentalité par son aspect positif conduit automatiquement beaucoup de gens à supposer qu’une vision complètement sombre est susceptible d’être vraie. Alors, un texte, des images sentimentalistes peuvent laisser penser du contraire. Derrière le sourire peut se cacher des choses plus sombres et malveillantes.
Pour un artiste, la sentimentalité qui est aujourd’hui décriée parce que jugée naïve, peut endosser un costume plus profond et touchant lorsque l’on est capable de manier ce concept et de faire un savant dosage avec le cynisme. C’est à ce moment qu’intervient la maturité autrement dit la notion du « milieu » – entre la sentimentalité et le cynisme.
La maturité – notion du milieu – signifie habituellement reconnaître que les choses ont de bons et de mauvais aspects. Elle consiste à renoncer aux attraits d’un raisonnement plus claire, plus simple (mais réellement injuste) au profit d’une mise en perspective qui prend en compte l’utopie et la désillusion qui conduit au cynisme. La maturité permet par exemple de se rendre compte qu’une seule personne peut-être à la fois admirable ou horrible à d’autres égards.
Depuis toujours, les artistes ont été à l’origine d’utopie qui sont devenues des réalités, de courants qui ont réveillé notre humanité et exacerbé notre romantisme. Se priver de la sentimentalité au risque de paraître naïf et dépassé c’est mettre de côté une part de rêve – indispensable à l’artiste – celle qui permet de voir au-delà des concepts, des préconceptions, des théories et de la matérialité.
Pour illustrer l’article, la photo est extraite du dernier clip de Walter Martin, It’s A Dream. L’exemple parfait d’une chanson pleine de bons sentiments. Vous pouvez lire l’article concernant la vidéo en cliquant ici.