Bambii : Architecte d’une club culture diasporique et inclusive​

Dans la chaleur vibrante des nuits torontoises, là où le béton résonne au rythme des basses et des corps en mouvement, une artiste redessine les contours de la fête. Son nom : Bambii. DJ, productrice, activiste culturelle. À travers ses sets, ses EPs et surtout sa vision, elle fait bien plus que faire danser. Elle convoque une mémoire, une histoire, une revanche joyeuse. Celle des diasporas noires. Celle des marges qui s’emparent du centre, le transforment et le subliment.

Bambii, de son vrai nom Kirsten Azan, est née à Toronto, dans une famille d’origine jamaïcaine. Chez elle, la musique caribéenne n’était pas un genre : c’était l’air que l’on respirait. Cette influence première, fondatrice, est au cœur de son esthétique. Mais Bambii ne s’est jamais contentée de rejouer les archives : elle les a mixées, triturées, injectées dans les veines de la jungle, de la UK garage, du dancehall et de la bass music. Le tout avec une science du groove qui ne se prend jamais au sérieux, mais qui prend toujours les corps au mot.

Avant les clubs et les scènes internationales, il y a eu JERK, sa série de soirées à Toronto. Des fêtes pensées comme des refuges et des bastions. On y célébrait la culture noire, queer, et la puissance de la danse comme langage collectif. Ce n’était pas seulement un dancefloor : c’était un manifeste. Un espace où les identités minorisées n’avaient plus à se justifier, juste à exister — pleinement, librement, bruyamment.

Un soir, alors qu’un DJ annule à la dernière minute, elle prend les platines pour Mykki Blanco. Le hasard comme déclic. Une tournée en Europe plus tard, la voilà propulsée sur les scènes mondiales. Mais Bambii n’oublie jamais d’où elle vient. Sa musique reste ancrée dans la mémoire sonore de la diaspora, et sa manière de mixer est politique. Elle ne juxtapose pas les styles, elle les fait dialoguer. Chaque track est un pont, une friction, une célébration.

En 2023, elle dévoile Infinity Club, un EP qui incarne tout ce qu’elle construit depuis ses débuts. Un concentré d’énergie, de textures sonores moites et de pulsations syncopées. On y traverse les genres comme des frontières poreuses : drum and bass, ragga, techno filtrée par les tropiques. C’est un club imaginé comme une utopie diasporique, où les corps se réapproprient l’espace, ensemble. L’accueil est à la hauteur de l’objet : critiques élogieuses, récompenses (dont le Juno de l’album électronique de l’année) et surtout, reconnaissance d’un geste artistique rare dans sa cohérence.

Mais Bambii ne s’arrête pas là. En 2025, elle annonce Infinity Club II, suite directe de ce manifeste de fête et de résistance. Le premier single, « Mirror », produit avec Jessy Lanza et Yaeji, en est un éclat brillant. Clip onirique, nappes de synthés liquides, pulsation lente et magnétique : le morceau reflète l’évolution d’une artiste qui ne cesse de creuser dans ses influences tout en s’élevant. Loin de l’esbroufe, Bambii parle le langage des sons avec la précision d’une orfèvre.

Ce qui frappe chez elle, c’est la sincérité. Il n’y a rien de superficiel dans sa manière d’aborder le clubbing. Pour Bambii, le dancefloor est un lieu de lutte et d’amour. Chaque set est pensé comme une réponse à l’uniformisation des musiques électroniques. Elle y injecte des voix, des rythmes et des mémoires trop souvent oubliés. Elle les insuffle avec une telle joie que cela devient contagieux. Et c’est cela, peut-être, sa plus grande force : faire danser avec le cœur battant de la politique, sans lourdeur. Juste par la puissance de la présence, du rythme, de la communion.

Aujourd’hui, Bambii ne joue plus seulement dans les clubs alternatifs. Elle monte sur les scènes des plus grands festivals, en France comme ailleurs. Mais son discours, lui, ne s’est jamais édulcoré. Elle continue de parler de colonialisme culturel, de racisme systémique, de safe spaces et de créativité noire. Et elle le fait non pas comme un slogan, mais comme un acte artistique à part entière.

À l’heure où les musiques électroniques se cherchent un second souffle, Bambii apparaît comme une figure essentielle. Parce qu’elle relie les continents, parce qu’elle fait résonner le passé dans l’instant présent, parce qu’elle transforme la fête en rituel collectif. Avec elle, la piste de danse devient un lieu de mémoire, de résistance et de renaissance.

Avec Infinity Club II en ligne de mire, c’est toute une vision du clubbing qui s’affirme : inclusive, cosmopolite, radicalement joyeuse. Bambii ne se contente pas de passer de la musique. Elle bâtit un monde.

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