Lors que l’on parle de cinéma indien, le premier aspect qui est mis en avant est sa productivité. Avec plus de 3000 films produits par an et 2 milliards euros de revenus en 2014, le cinéma indien est le plus prolifique au monde devant Hollywood. Malgré une telle popularité auprès de ses 1,300 milliards d’habitants, de ses expatriés et des amateurs du genre qui vivent un peu partout dans le monde, le cinéma indien souffre encore d’un manque de moyens et d’une faible communication. Contrairement aux idées reçues, Bollywood ne constitue qu’une partie de l’industrie du film indien. Cette expression – fusion de Bombay et de Hollywood – qui a été inventée par un journaliste américain est généralement mal perçue par l’industrie du film en Inde qui revendique son identité culturelle et ne souhaite pas se positionner par rapport au géant américain. En réalité, ce que le monde entier se presse d’appeler Bollywood est en inde un genre de cinéma musical basé à l’origine à Bombay mais qui s’est depuis installé dans d’autres grandes villes du pays. Dans ces films réalisés en hindi, la musique assume le support narratif et facilité la synthèse du scénario. Notez que ces droits représentent 4 à 5% des revenus générés.

Pour nous initier à ce genre, nous avons décidé de choisir le plus populaire des films : Dilwale Dulhania Le Jayenge (L’homme de cœur emmènera la fiancée). Sorti en 1995, le film d’Aditya Chopra est resté en tête du box-office pendant 62 semaines (record encore inégalé ). Depuis, il n’a plus quitté les salles de cinéma du pays puisqu’il est encore à l’affiche 28 ans plus tard.

Mais qu’est-ce qui fait le succès de cette comédie romantique ?

A vrai dire tous les ingrédients d’une bonne comédie romantique moderne sont présents dans ce film qui dure trois heure, pas moins. La rencontre, l’adversité, le dénouement, tous les codes figurent ici en bonne position et sont concoctés à la sauce indienne. Shah Rukh Khan (considéré comme un « dieux » dans son pays) et Kajol ont réussi à conquérir les cœurs grâce à une histoire qui fait encore écho aujourd’hui dans la société indienne mais également en France, en Afrique et quelques autres pays du monde.

Chaudhry Baldev Singh est un immigré indien qui vit à Londres avec sa femme et ses deux filles. Comme il est coutume, il reçoit une lettre de son ami d’enfance qui lui demande d’honorer une promesse, celle d’accorder la main de Simran (Kajol), une de ses filles, à son fils aîné Kuljeet. Résignée et prête à honorer la parole de son père auprès de son ami d’enfance, Simran demande une faveur, un mois de liberté pour visiter l’Europe avant de se marier. C’est lors de ce voyage qu’elle fera la rencontre de Raj (Shah Rukh Khan). Le film est distinctement divisé en deux parties. La rencontre tournée en Angleterre et en Suisse, l’adversité et que le dénouement qui se déroulent en Inde.

Comme d’habitude, nous vous décortiquons Dilwale Dulhania Le Jayenge en cinq images marquantes sans bien sûr trop vous en dire :

1- Scène mythique en Inde

Même si vous n’avez jamais suivi Dilwale Dulhania Le Jayenge, cette première séquence dansante du film vous fera l’impression de déjà vu. Peut-être parce qu’elle ressemble à celle du film Risky Business dans la quelle Tom Cruise danse vêtu d’une chemise et d’un slip. Mais plus encore, elle est mythique pour les indiens parce qu’elle dévoile pour la première fois dans le film une Simran moins écrasée par le poids des traditions. On la voit Femme, drôle, différente de la petite fille obéissante qui est dépeinte au début du film. Si vous avez l’occasion de suivre le film en Inde ou en compagnie d’un public indien, vous remarquerez très vite que les gestes de l’actrice sont généralement ponctués par les applaudissements de la salle.

2- L’ivresse

Cette séquence qui dure plusieurs minutes illustre parfaitement le cinéma musical indien. Après avoir bu de l’alcool pour la première fois, Samran est ivre et comme dans une comédie musicale, son état va faire l’objet de scènes dansantes et chantées. Rappelons que la première partie du film se déroule en Europe et qu’il n’est pour l’instant pas question de danses et de costumes traditionnels indiens.

3 – Le Mariage

Même si comme nous vous n’êtes pas un connaisseur du cinéma « bollywoodien », les scènes colorées et dansantes font partie de l’imaginaire collectif. En ce qui nous concerne, nous imaginions plus de scènes de ce type dans un film qui dure 3h. Ici, ne cherchez pas de double ou de tripe lecture, le réalisateur Aditya Chopra nous propose une immersion dans les festivités qui précédent un mariage traditionnel indien. Avec ses nombreux figurants et ses chorégraphies genrées qui découlent parfois sur des scènes cocasses, ces festivités du mariage colleront sans aucun doute aux clichés que nous avons tous sur les films made in Bombay.

4 – Le Pic

Tout au long du film, Aditya Chopra installe une intrigue qui connaît son pic au moment où les masques tombent. Les trois heures sont utiles que pour cette scène qui n’est aucunement une impasse mexicaine mais une confrontation où sont présents tous les personnages importants du film . Alors que tout le film est une genre de confrontation entre les traditions et la modernité, il est surprenant ici que l’acteur principal joué par Shah Rukh Khan fasse le choix de se soumettre aux coutumes. As-t-il raison ou pas, là n’est pas la question mais il est intéressant de constater les différences qui peuvent exister entre la conception de la morale en Inde et dans l’occident.

5 – La confrontation

Dans un film quel qu’il soit, il est semble-t-il important d’avoir un méchant et un gentil. Une construction simpliste mais efficace sur laquelle jouent les réalisateurs du monde entier et dans la quelle nous plongeons tous avec facilité. Dans Dilwale Dulhania Le Jayenge, c’est Kuljeet qui joue le rôle du méchant. Celui à qui est promise Samran et contre celui à son corps défendant Shah Rukh Khan devra se battre pour gagner la main de sa dulcinée. Attention, cette confrontation n’est pas la scène finale du film puisque comme une bonne comédie romantique qui se respecte, il est important de finir sur quelque chose de mélancolique pour marquer les esprits et c’est le cas dans Dilwale Dulhania Le Jayenge.